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Journal
Rencontre avec Justine Clenquet
Behind the brands
Justine Clenquet et ses équipes nous ont ouvert les portes de leur nouvel atelier lillois, un endroit à l’image de la marque et de son univers si singulier.
Quelle est l'histoire de la marque ? Comment tout a commencé ?
J'ai lancé la marque il y a treize ans, lorsque j'étais encore étudiante. A cette époque, je ne trouvais pas ce que je voulais chez les marques de bijoux existantes, j'ai donc commencé à fabriquer mes propres pièces. Cela me coûtait très cher, alors j'achetais d'anciens bijoux dans des brocantes, ou je les récupérais chez ma grand-mère. C’est comme ça que je me suis lancée, à partir d'anciennes créations j'en fabriquais de nouvelles. D'abord je le faisais uniquement pour moi, puis pour mes amis, et petit à petit grâce au bouche-à-oreille je me suis fait connaître.
J'ai ouvert ma boutique à Roubaix dans laquelle je fabriquais et vendais mes créations, ça n'a pas été facile les premières années car faire des produits made in France avec un style un peu différent ce n'était pas évident à vendre. La marque peinait à devenir rentable, j’ai donc commencé à rechercher un second emploi en parallèle pour m’assurer un revenu stable, et c’est à ce moment-là qu’Opening Ceremony m’a contactée. Cette boutique située à New York a repéré mes créations et souhaitait passer commande, je dois dire qu’ils ont eu un rôle très important dans notre succès, car dès que nos pièces sont arrivées dans leur sélection, des personnalités comme Lady Gaga ont commencé à les porter. Nous avons donc commencé à nous faire connaître aux États-Unis, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la plupart des gens pensaient que nous étions une marque américaine.
C'est à partir de 2020, après la pandémie que la marque a vraiment pris un tournant local, et que nous avons commencé à bien fonctionner en France aussi. Les réseaux sociaux, et les personnalités comme Rosalía par exemple, qui ont porté et partagé nos pièces sur leurs comptes ont largement contribué au succès que nous connaissons aujourd’hui, et le digital reste un important canal d’expression pour nous.
Comment l'univers du bijou s'est imposé à toi ? Est-ce que créer ta marque était un objectif, un rêve ?
Non, absolument pas. Tout s'est fait de manière spontanée et naturelle. Je n'avais jamais envisagé d'avoir une marque un jour, tout s'est fait petit à petit, par étape. J'ai fait des études de mode à Paris, donc je n'étais pas du tout dans le bijou au départ. C'est pendant mes études que je me suis aperçue que l'accessoire et plus particulièrement le bijou me passionnait davantage que le vêtement, et j'ai donc commencé par bricoler des petites pièces à partir de vieux bijoux.
Aujourd'hui comment travailles-tu sur tes collections, quel est ton processus créatif ?
Dans un premier temps je dessine, ensuite avec le reste de l'équipe, et notamment Clémentine, nous créons des prototypes qui nous serviront ensuite de base de travaille pour la production définitive de la collection. Pour les bijoux, tout se passe ici, dans nos ateliers à Lille, nous faisons également beaucoup d'allers-retours avec nos fournisseurs pour choisir ou fabriquer les différents éléments qui serviront pour les pièces finales, avec des dessins, des 3D, des premiers tests, etc. Ça c'est pour ce qui concerne nos bijoux, ensuite pour les chaussures et les sacs, je travaille avec une équipe de designers à Paris qui nous accompagne dans le développement de nos modèles. J'ai d'ailleurs beaucoup appris avec eux.
Qu'est ce qui t'inspire ?
Je suis hyper fan d'artistes comme Kim Gordon et Chloë Sévigny, ce sont des personnes qui m'inspirent depuis longtemps. Dans nos bureaux, j'ai un mur d'inspiration sur lequel j'accroche les images imprimées que j'avais enregistré sur mon téléphone ou mon ordinateur. J'ai aussi une petite bibliothèque qui m'aide à créer mes collections, je l'alimente beaucoup, notamment avec de livres de photographie, d'anciens ouvrages, mais aussi des publications japonaises plus récentes. C'est dans cet espace que je mets tout en œuvre pour me sentir bien et pouvoir créer les collections.
Ensuite avec mon équipe nous voyageons assez régulièrement, et ces déplacements sont également des sources d'inspiration. J'ai toujours un petit carnet sur moi dans lequel je prends des notes, je m'inspire beaucoup des gens croisés dans la rue, de leurs looks, je note toutes mes idées au compte-goutte, par exemple des noms de personnes qui m'inspirent, des icônes, des artistes, des muses à partir desquels je nomme ensuite mes pièces.
Mes clients sont aussi une grande source d'inspiration, j'aime voir comment ils et elles s'approprient nos pièces et les associent pour compléter leurs tenues. Je n'ai pas de processus rigoureux, mais quand je me lance dans les collections, je fais le tri dans mes notes, j'ouvre tous mes livres, imprime des images, colle des post-it ici et là et c'est comme ça que je travaille. Ensuite je commence à travailler la matière et à monter petit à petit les premiers prototypes pour chaque pièce.
Quels sont tes principaux enjeux aujourd'hui et comment y fais-tu face ?
Après treize ans, je dirais que l'enjeu principal est de savoir se renouveler et proposer de nouvelles choses à nos clients, c'est très important pour moi. C'est aussi pour ça que j'ai lancé une ligne de sacs et de chaussures, je souhaitais aller au-delà du bijou et relever le défi de devenir une marque d'accessoires.
Quel est l'univers de Justine Clenquet ?
Pour moi c'est beaucoup de choses à la fois, c'est la musique, la culture underground, le do it yourself, l'univers punk, etc. La marque c'est aussi ce que les gens qui la portent en font, pouvoir associer des styles complètement opposés et s’affranchir des codes. Dans nos collections, nous mélangeons le silver et le gold, nous fabriquons des modèles dépareillés, c'est à la fois clivant et identitaire, et ça définie notre univers. Par exemple, aujourd'hui beaucoup de marques fabriquent des pièces unisexes, mais il y a treize ans quand j'ai commencé c'était beaucoup moins répandu, et pourtant depuis le début je fabrique des pièces aussi bien pour homme que pour femme, et aujourd’hui on vend très bien les perles auprès des hommes, alors qu’il y a dix ans ce n’était pas le cas.
C’est super de constater l’évolution des looks et des codes à travers le temps, aujourd'hui un homme peut très bien se dire "je suis un homme et je porte des perles". D’ailleurs aujourd’hui, environ 60% de notre clientèle est féminine et 40% masculine.
A-t-il été difficile pour toi de t'imposer dans le secteur du bijou ?
Quand j'ai commencé, il n'y avait quasiment pas de marques de bijoux fantaisie, donc on a eu la chance d'arriver sur un créneau où il n'y avait pas encore grand monde. Aujourd'hui, il existe davantage de marques, mais beaucoup proposent la même chose, et c'est aussi grâce à notre singularité que nous sommes parvenu à nous démarquer. Le terme "bijoux fantaisie" a toujours été perçu comme péjoratif dans le milieu, et j'avais envie d'aller à l'encontre de cette perception en proposant quelque chose d'accessible et de qualité, et ce notamment pour les plus jeunes.
Justine Clenquet, est aujourd'hui une marque de bijoux établie, une identité reconnaissable, et un large succès commercial et médiatique, alors que peut-on désormais vous souhaiter pour la suite ?
Continuer sur notre lancée en proposant toujours de nouvelles choses à nos clients. Comme je le disais tout à l'heure, continuer à rester créatif est pour moi l'enjeu principal de la marque. Nous sommes beaucoup à travailler sur le projet aujourd'hui, et je veux pouvoir combiner toutes nos forces pour renforcer notre univers de marque année après année, en créant des lignes qui surprennent nos clients. Par ailleurs, pouvoir rester une entreprise à taille humaine, et garder une proximité entre tous les membres de l'équipe est également important selon moi.
Sur quel nouveau marché aimerais-tu développer la marque ?
Je reviens justement de Corée du Sud, c'était la première fois que j'y allais et j'aimerais beaucoup étendre notre présence sur place. On en parle beaucoup en ce moment et j'étais assez curieuse d'aller voir comment c'était, je pense que l’univers de la marque pourrait y trouver son public.
Un mot sur Centre Commercial, pour terminer ?
Centre Commercial c'est un partenaire fidèle pour nous depuis très longtemps. On travaille depuis plus de six ans avec la boutique et c'est un des premiers concept store qui nous a permis d'être distribué en France et plus particulièrement à Paris.